DII : Quelles étaient les conditions de mise en œuvre de la télémédecine pré-Covid-19 ?
MBP : Effectivement, il est intéressant de revenir rapidement sur le régime antérieur afin de prendre toute la mesure des assouplissements réglementaires qui ont été permis par la crise.
La télémédecine, telle que définie par la Loi HPST (Hôpital, Patients, Santé et Territoires) de 2009, est « une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication ». On compte cinq types d’actes de télémédecine : la téléconsultation, la téléexpertise, la télésurveillance, la téléassistance et la régulation médicale. Ce sont les trois premiers qui ont connu la croissance la plus importante durant la crise.
Les conditions de mise en œuvre en vigueur jusqu’au 13 septembre 2018 imposaient d’avoir conclu un contrat avec une Agence Régionale de Santé (ARS) pour pouvoir développer un service de télémédecine. C’était donc un service qui se montait territoire par territoire. Pas très intuitif, même si l’on comprend la logique économique, pour un service à distance, de s’arrêter à des frontières régionales ! Cette contrainte a été un frein majeur au développement de la téléconsultation, d’autant plus que les ARS ont ajouté des conditions supplémentaires à celles prévues dans la loi, comme par exemple l’obligation d’un zéro reste à charge pour le patient. Les plateformes de télémédecine ont donc été forcées, pour exister, de créer des partenariats avec les mutuelles, ce qui était très restrictif.
En septembre 2018, la loi a fait entrer certains actes de télémédecine dans le droit commun du remboursement par l’assurance maladie et fait évoluer leurs conditions de mise en œuvre. S’agissant de la téléconsultation et de la téléexpertise, la nécessité de contractualiser avec une ARS a été remplacée par la mise en place de conventions organisant les rapports des médecins avec l’Assurance Maladie.
Ainsi, un avenant pris par arrêté en 2018 a prévu des conditions strictes de mise en œuvre, cumulatives avec celles issues du décret de 2010 . Il a résulté de ces différents textes de nombreuses conditions de réalisation et prise en charge, dont en particulier le consentement du patient à l’acte de télémédecine, le respect du parcours de soin coordonné avec une consultation en présentiel dans les 12 derniers mois et une orientation par le médecin traitant, la téléconsultation par vidéotransmission avec une technologie sécurisée permettant également l’échange de données avec le patient (ce qui était une vraie contrainte encore en 2018 en l’absence d’outils adaptés à la prise en charge de bout en bout), outre les conditions médicales tenant à la capacité du patient à bénéficier d’une téléconsultation (état clinique, cognitif et psychique, barrière linguistique et technologique, etc.).
S’agissant des conditions tenant au parcours de soin coordonné, l’arrêté d’août 2018 prévoyait certaines exceptions, pour les patients de moins de 16 ans, quelques spécialités, les situations d’urgence ou en l’absence de médecin traitant désigné. S’agissant des deux dernières exceptions, une condition tenant à la territorialité a souvent été oubliée. En effet, l’ambition étant que le patient puisse accéder, via la plateforme de télémédecine, à un médecin qu’il pourrait par la suite désigner comme médecin traitant pour ainsi réintégrer le système de soin coordonné, cette condition liée à la territorialité a motivé le refus de prise en charge par l’assurance maladie d’un très grand nombre de téléconsultations.